Le Cercle

Elles ne se connaissent pas. Elles sont assises autour d’une grande table garnie de fromage, de pain, d’olives et de thon à tartiner. Au début, personne ne touche à la nourriture. La lumière est chaude, il n’y a pas de musique ; ce serait une distraction. Onze femmes d’âges, de couleurs, de tailles, de milieux, de professions, de caractères différents sont présentes. Elles ont une chose en commun. Elles ont toutes été victimes de harcèlement sexuel de la part de professionnels de la santé. Pour certaines, l’incident s’est produit il y a des années, voire des décennies, pour d’autres très récemment. L’hôte s’assied à la table et se demande… Avons-nous un objectif commun ? S’agit-il d’un mouvement ? Cela nous mènera-t-il quelque part ?

Une à une, les femmes commencent à raconter. Des larmes sont versées. Il y a des rires, de la colère et de l’indignation. Elles débattent de la nature humaine, du patriarcat, en particulier dans la profession médicale, puis de la santé mentale et de la fragilité. Et il y a des questions. Le “pourquoi” est la plus fréquente. Pourquoi cela s’est-il produit ? Pourquoi n’ai-je pas réagi ? Pourquoi moi ? Pourquoi nous ? Quelle vulnérabilité voit le prédateur en sa proie ?

Petit à petit, la nourriture commence à circuler et, en même temps elles commencent à partager leur vulnérabilité, leur empathie et leur solidarité. Comme si le barrage s’ouvrait. La douleur ne peut être effacée, mais le partage permet de guérir. La scène pourrait se dérouler n’importe où, à n’importe quelle période. Cette fois-ci, c’est une soirée de mai 2021 à Genève. Femmes, rassemblez-vous, partagez, parlez, brisez le cycle de l’abus, guérissez. Ceci est une communauté, une sororité. Nous y sommes arrivées. Et cela, pour le moment, est suffisant.